L'importance des enjeux des élections des chambres d’agriculture 2025
Le syndicat vainqueur de ces élections deviendra l’interlocuteur privilégié de l’État et son budget de fonctionnement se trouvera conforté. Mais ce scrutin est surtout l’occasion pour les agriculteurs de dire quel modèle ils souhaitent voir défendu.
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Les prochaines élections des chambres d’agriculture vont se tenir du 15 au 30 janvier 2025 et la plupart des syndicats ont multiplié les actions à l’automne, preuve de l’importance que ce scrutin revêt pour eux. Les chambres sont des établissements publics qui ont pour mission de représenter les intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics. Gagner ces élections permet donc d’exercer une forte influence et de faire avancer sa propre vision de l’agriculture. « Les chambres se trouvent à l’interface entre les agriculteurs et les représentants de l’État à tous les niveaux (ministère, préfecture, communes, etc.). Elles défendent les agriculteurs en recherchant des solutions, mais aussi des politiques pragmatiques », expose Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France.
L’autre mission majeure des chambres consiste à apporter un accompagnement technico-économique aux agriculteurs. Cela va des projets de bâtiments au suivi des cultures, en passant par les diagnostics carbone ou la santé animale. La neutralité de ce conseil est globalement reconnue. Là où les agriculteurs sont peu nombreux, les chambres sont souvent les seules à l’apporter. Ailleurs, comme en Bretagne, diverses organisations assurent également ce type de services.
Mais, au-delà de l’orientation politique dans la conduite de ces missions, les élections des chambres sont déterminantes pour la représentation des syndicats dans de multiples instances, tels les interprofessions ou les instituts techniques. Leurs résultats conditionnent par ailleurs l’attribution de financements publics pour le fonctionnement des syndicats. 75 % des dotations sont attribués en fonction du nombre de voix et 25 % dépendent du nombre d’élus. Or la règle des élections prévoit, dans le collège des chefs d’exploitation, que la formation arrivée en tête obtienne la moitié des sièges, le reste se répartissant de manière proportionnelle. S’y joue donc un enjeu financier majeur pour les syndicats.
Trois visions très différentes
Du côté des agriculteurs, participer à ce vote sert d’abord à exprimer leur choix d’orientation politique. En effet, les trois syndicats les plus représentés, FNSEA-JA, Coordination rurale (CR) et Confédération paysanne (CP), se distinguent par des visions très différentes. Alors que l’agriculture va mal, ces divergences deviennent plus visibles. Le modèle défendu par le syndicalisme majoritaire est critiqué, notamment dans les productions qui souffrent le plus. Les minoritaires y voient une opportunité d’étendre leur influence.
Aujourd’hui, seulement quatre départements échappent à la FNSEA, trois au profit de la CR et un pour la CP. Les derniers scrutins montrent une stabilité du premier autour de 54-55 %. La Confédération paysanne stagne autour de 18-19 % alors qu’elle avait recueilli 27 % des suffrages en 2001. Cette année-là, la Coordination rurale était à 13 %. Elle a bondi à 18,7 % en 2007 et progresse doucement depuis, devenant le deuxième syndicat agricole en 2013.
Le taux de participation a chuté
Les manifestations agricoles, nombreuses en 2024, traduisent des difficultés importantes dans plusieurs secteurs. Le 12 décembre, la publication par l’Insee des comptes de l’agriculture pour 2024 a mis des chiffres sur cette situation. Les volumes de production reculent, tout comme les prix. La valeur ajoutée serait en baisse de 6,6 %. Les productions végétales sont particulièrement affectées. Les syndicats minoritaires ont beau jeu d’attribuer ce bilan à la FNSEA qui truste les mandats. La réalité est bien évidemment plus complexe et les mauvaises récoltes s’expliquent d’abord par une météo défavorable pour de nombreuses productions.
Ce contexte incite les deux organisations minoritaires à croire en leurs chances de progresser. Mais tous s’inquiètent devant la baisse du taux de participation. De 65,5 % en 2007 pour le collège exploitants, il est tombé à 54,3 % en 2013 et à 46,22 % en 2019. « Les élus ont besoin d’une légitimité, il est essentiel que les agriculteurs votent et expriment leur choix de modèle », plaide André Sergent, président de la chambre d’agriculture de Bretagne et membre du bureau de Chambres d’agriculture France. Il se réjouit de voir qu’au moins trois listes devraient être déposées dans chacun des départements bretons.
Critiques sur le manque de pluralisme
Ce manque d’intérêt s’inscrit peut-être dans un mouvement plus général qui concerne la plupart des élections organisées en France ces dernières années. Mais le manque de pluralisme dans les instances des chambres d’agriculture joue sans doute aussi un rôle. En 2021, la Cour des comptes s’interrogeait, dans un rapport, sur « l’évolution de la gouvernance [qui ] pourrait enfin favoriser la pluralité syndicale ». Plus récemment, le 26 septembre 2024, une proposition de résolution déposée à l’Assemblée nationale visait la « mise en place d’un scrutin à la proportionnelle intégrale des représentants des chambres d’agriculture et à une affectation des fonds en conformité avec ce mode de scrutin ». Si ce sujet polémique agite les minoritaires, pour le moment, le statu quo demeure.
Pour les agriculteurs, il a pourtant des implications concrètes. Dans de nombreux départements, les minoritaires sont absents du bureau, là où se prennent les décisions budgétaires et techniques. Souvent aussi, des services (juridiques, par exemple) restent affiliés au syndicalisme majoritaire, privant les non- adhérents de cette ressource. En 2021, la Cour des comptes dénonçait le fait que certaines chambres d’agriculture « allouent des subventions destinées au fonctionnement des organisations syndicales ou leur accordent des avantages en nature, ce qui est contraire au principe de spécialité (Finistère, Corrèze, Gironde…) ». Ces irrégularités sont l’une des conséquences du manque de pluralisme.
Des situations très diverses selon les départements
L’organisation des chambres d’agriculture varie en fonction des départements. Chacune a son histoire, ses réussites et ses défauts. Tout cela a une influence sur la qualité du service qu’elles apportent, et sur la motivation des agriculteurs pour voter. Si les groupes lait sont vécus par certains éleveurs comme un vrai moyen de progresser, d’autres n’y voient aucun intérêt. Les réunions techniques ne trouvent pas toujours leur public. Cependant, insiste Sébastien Windsor, « les chambres s’appuient sur des réseaux de référence solides, tel Inosys, qui leur permettent notamment de mesurer l’impact du conseil. Elles sont donc écoutées par les représentants des politiques publiques ». C’est particulièrement vrai pour l’accompagnement des jeunes agriculteurs, une compétence historique des chambres.
Par ailleurs, les chambres sont un relais de mise en œuvre des politiques agricoles, ce qui conduit parfois des agriculteurs à les assimiler à l’Administration. Une confusion qui les pénalise. De nombreuses chambres souffrent aussi de leur culture de l’intérêt général. « Elles ont du mal à vendre leurs services, ce qui peut plomber leur rentabilité », constate Sébastien Windsor.
On le voit, les enjeux de ces élections sont importants et les parties prenantes veulent en convaincre les électeurs. Les manifestations de cet automne ont lancé la campagne mais la censure du gouvernement a privé les syndicats de cible. Nul doute que la pression va s’accroître à l’approche du scrutin.
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